Plaqué-pur - La moribonde famille Barghest est réputée tenir son nom de mauvaises herbes, le pire chiendent, que ni le froid ni la chaleur ne font crever. Ils n’ont aucune grande généalogie et, cependant, Ruvik est parvenu à faire oublier l’infâme ordinarité de sa naissance, sa bâtardise, même. Bien que ses parents aient été Grisha, ils étaient également mêlés. Naturellement, il l’est aussi, pollué par la génétique d’un humain – au moins. On l'oublierait, tant il se traîne dans les ombres de la famille Moretti depuis trois décades. Il agit avec la même sûreté, la même autorité, que s'il était pur, et son mépris pour les mêlés vaut assurément deux fois le leur. Enfant sauvage - Il a grandi dans l’étreinte inhospitalière des terres du sud et retenu plusieurs de ses brutales leçons. Ses parents sont des vagabonds, crève-la-faim, des braconniers sans finasserie, taiseux, abrupts, presque surpris que l’un de leurs petits en soit ressorti après que les morts en cascade de plusieurs leur ont fait passer le goût de s’attacher. Parmi leurs brusqueries, Ruvik est à l’étroit : on ne cause guère, on ne rencontre qu’un receleur ou deux à l’an et, la plupart du temps, on se cache, tout son soûl, des Drüskelles qui ne leur donnent plus la chasse – mais comment le sauraient-ils ? Ils seront morts avant que d’être libérés de leur ignorance. Et Ruvik sera libre avant que d’avoir ses douze ans. L’Ubac et l’Adret - Dans les prémices d’une Résistance organisée, Ruvik est déjà le courant sous la surface. Il a appris la ruse, les subterfuges, il se mêle avec joie aux masses grouillantes et louvoie parmi les humains. Il use du prétexte de chasser et de fournir les métayers pour s’introduire sous leur méfiance. Déjà les Grisha se mettent à causer de l’Ubac, du nom de ce versant de la montagne le moins exposé au soleil. C’est qu’ils pensent à l’adret, plus agréable, plus révélé, que Sappho Moretti constitue pour Ruvik Barghest. Car c’est son œuvre, c’est sûr, c’est elle la main qui commande aux ficelles, la pogne qui tient la laisse et les phalanges qui serrent la muselière. Daeira - L’affection, et par extension le mariage et l’amour, ne figure pas au nombre de ses prédispositions. Ruvik est à la fois trop solitaire et trop sauvage, comme s’il avait laissé ses clartés d’esprit dans les sous-bois de son enfance. D’aucuns – femelles cruelles mais lucides – lui trouvent de la magie pour quelques soirs mais pas de quoi s’y lier le sort devant la Mère. Daeira n’en diffèrera qu’en partie ; guérisseuse, elle lui soigne tant et tant la carne qu’elle lui connaît le corps avant même de l’avoir déshabillé ; elle imagine qu’elle l’apprivoise ; elle a de la bonté et un fond de candeur ; elle est amoureuse, voilà tout. Ils s’épousent par bêtise. Ils se quittent par violence. Un jour, elle disparaît. Sur elle l’opprobre d’avoir ruiné l’union. Sur lui le petit enfant qu’il n’aime pas plus qu’il n’aimait sa mère. Anima - La bestiole gronde depuis l’aube de ses jours. Elle lui murmure, lui lessive les méninges : elle lui réclame du sang. D’aussi loin qu’il sache s’en souvenir, Ruvik a vécu avec cette compagne meurtrière. Au fond, il sait que cela vient de lui, et de lui seul. Pourtant, elle a des formes, la garce, et une volonté propre, lorsqu’elle lui demande d’enfoncer la lame dans les ventres, de faire gémir, crier, de convertir les souffles en macchabées, bien raides, bien morts. Ses pulsions lui sont pénibles à contrôler, pire encore à dissimuler. Anima, c’est ainsi qu’elle s’appelle. C’est la furie, l’exquise brutalité, le meurtre dans son essence la plus pure, parfaitement gratuite. Le « barbare de Tursas » - L’épisode est fameux, assez pour lui valoir de sales coups d’œil de crainte mêlée, même des années après : installé dans un rôle de coureur des bois, sa réputation le fait appeler par le maître de Tursas, un métayer vassal des Beauchamps. S’il est nommé garde-chasse, Ruvik espionne en fait pour une Résistance qui soupçonne le bourgeois d’organiser une soldatesque aux faux-airs des Drüskelles. Une nuit, et sans qu’aucun ordre ne lui soit donné, le Grisha fait un massacre de la maison principale, emportant maints domestiques avec la famille. Le nombre précis ne sera jamais établi à raison de l’incendie qui s’est déclaré par la suite mais certains témoins font étalage d’exactions telles qu’on a refusé de très bien enquêter. La Résistance, pour sa part, a pris cette mauvaise publicité pour un affront et on n’a plus vu Ruvik Barghest dans quelque mission d’infiltration depuis lors. Artificier - Plusieurs des Durast utilisent leur habileté pour composer des armes mortelles, et mortellement semblables à celles des hommes : couteaux, pistolets, etc. L’arsenal de Ruvik n’y est pas étranger mais voilà dix ans qu’il développe des instruments et artifices plus adaptés à chaque rang de Grisha. L’ordre des invocateurs fait le plus gros de son inventivité, eau, air et feu aimant à être concentré dans de petits appareils portatifs. Chaque pièce est à la fois unique et minutieusement conçue, quoi que jamais autant que les jeux d’échecs qu’il façonne dans le bois, le métal ou la roche. Le Créateur sait pourtant qu’il n’a aucune disposition pour ce jeu. Dix-neuf - Le secret est bien gardé, et le décompte avec lui. Ruvik se souvient de tout, de chacune de ses dix-neuf victimes. En temps de guerre dissimulée, l’on s’aperçoit à peine de leur disparition. Il pioche au gré de ses pulsions, appesantit sa faim pour quelques temps. Son hypocrisie n’y mêle pas les autres meurtres, ceux dont l’instigation est politique, au service de la Résistance. Ces dix-neuf-là sont siens, très personnels, encore que souvent des étrangers, parfois même des Grisha.

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