Sous couvert des livres, beaucoup de choses peuvent se faire. Beaucoup de choses peuvent se dire, aussi.
Cela faisait quelque temps que Darius et Cassiopeia s'étaient rendus compte de cette possibilité que leur offrait la bibliothèque d'Andrakar. D'ordinaire, il règne entre les étagères un pieux silence, entrecoupé de quelques pas, d'une échelle qui bouge pour atteindre un volume trop haut, du bruit presque imperceptible d'une page qui se tourne. Le peu de visiteurs autorisés dans l'enceinte de la bibliothèque ne mangent, ne boivent et ne parlent qu'à l'extérieur, même lorsqu'ils sont seuls.
Pourtant aujourd’hui, si les livres avaient des oreilles, ils entendraient rire. Si les livres avaient des narines, ils sentiraient le bissap qu'a préparé Cassiopeia pour l’arrivée de Darius: fleurs d'hibiscus, fleur d'oranger, du sucre, encore du sucre. Si les livres avaient des yeux, ils les verraient, assis l'un à côté de l'autre, au milieu d'une salle vide. Une pile de livres sur la table en bois recouverte de velours vert, des verres en cristal rapportés de la cuisine des Masoka, des bougies et des regards entendus. Enfin, si les livres pouvaient ressentir les ambiances, ils sentiraient un moment d'amitié complice, une échappatoire au protocole, une échappée belle entre deux complices de longue date.
De la pile de livres, Cassiopeia en prend un, et elle le feuillette. D'un œil elle lit le livre, mais de l'autre elle observe Darius. Sa présence chaleureuse la détend. Elle aime lire, mais vient surtout pour partager ces moments avec son cousin. Le seul avec qui ces rencontres sont possibles. Plaisirs simples, mais vrai bonheur.
"Tu m'as manqué Darius." Elle sourit. "comment ça se passe pour toi, en ce moment?"