death was a quiet thing wasn't it?

Le soleil n’était plus à son comble et dans sa luminosité distante, s’éveillait dans les entrailles de la région du nord, deux entités encapuchonnées. Scythes, mortels, portant sur leurs épaules le terrible présage qu’était la Mort. Et pas des moindres, puisqu’aujourd’hui c’était vers un orphelinat que leurs pas les menèrent. Scythe Bonaparte n’avait dans son intérêt que de tester la loyauté de ses deux pupilles et si le presque fils ne sillait presque jamais face à ses ordres, contrairement à l’autre oisillon bien plus sceptique, il avait cette fois relevé la tête avec surprise. Pourquoi tuer de jeunes enfants alors que s’offrait face à eux un spectacle bien plus prenant : la noblesse qui n’attendait que d’être glanée. Mais les ordres étaient des ordres et il valait mieux écouter, courber l’échine que questionner ce que disait l’oiseau mère. Alors il n’avait rien dit à Fen, par peur de l’effrayer, par peur que cet acte soit la goutte qui fasse déborder le vase. Il avait, pour la première fois, tenu sa bouche fermée, même pendant leur voyage. Les paysages enneigés commençaient à se transformer en cauchemar de pauvreté et son cœur se serra quelque peu. Ervin se refusait à cet acte, ce meurtre de sang-froid, alors que Scythe Chopin gardait la tête haute, le menton levé. Il était dans son droit que de glaner qui il souhaitait et si le chef lui ordonnait de tuer des orphelins pour remplir tel ou tel quota son devoir était d’écouter. Il lui avait, après tout, promis services et fidélité, s’il montrait faille ou doute, il n’était pas sûr de pouvoir s’en relever ; lui ou encore Ervin. Ervin encore quelque peu innocent, pensant ses mains peut-être immaculées, mais finalement, sur ses doigts crochus coulaient déjà le sang, ce liquide pourpre qu’il déversait dès qu’il en avait l’occasion. Un frisson passa son échine alors que ses yeux se tournèrent vers Fen, Fen qui dans sa naïveté était tombée dans le piège et n’était pas encore consciente de la brèche que leur glanage provoquerait dans sa conscience. « Je n’aime pas cet endroit. Il n’y a rien de bon à être ici. » Elle avait raison, si les Scythes étaient la définition même du macabre, cet endroit les surpassait. Il y avait une impression d’abandon, de sang coulé, de mort prématurée qui empestaient l’air, un truc qui venait s’accrocher à l’âme et à la cervelle, des mains avides qui ne se défaisaient que quand on s’éloignait de sa morbidité. Le souci était, que tous deux étaient là pour empirer la situation déjà bien terrible. C’était cruel, mais si parfaitement lié au nouvel ordre. Appuyer là où ça faisait mal, enfoncer le couteau dans la plaie ; une plaie déjà bien béante. « Normalement, on ne devrait plus être très loin… » Il avait envie de lui avouer pourquoi ils étaient là, il avait envie de lui expliquer qu’ils pouvaient toujours faire demi-tour. Scythe Chopin comme l’Ervin en lui ressentait un besoin incompréhensible de vouloir protéger Fen, même si elle n’avait jamais réellement eu besoin de ses bras protecteurs. Si son âme à lui était déjà brisée, il pouvait peut-être encore sauver celle de sa plus grande alliée. Peut-être que c’était son moyen à lui de s’exempter de toute faute, de toute culpabilité ; même si c’était terriblement égoïste et injuste. « D'après mes constations, ils n'ont pas besoin de nos services ici. La Mort s'en sort très bien toute seule. » Il grimaça parce qu’il savait que la Mort frapperait davantage ce soir à la nuit tombée. Peut-être que c’était sauver ces pauvres gosses de leur propre démon en les éteignant un à un, leur offrant la possibilité de mourir en paix, sans souffrance ; au lieu d’une vie de faim, de soif et de pauvreté. Il haussa un sourcil à cette idée, incapable de comprendre pourquoi il tentait de se justifier. Il était Scythe, cette mission lui avait été donné et le conclave n’avait pas bronché, alors c’était tout à fait respectable, tout à fait normal. Ou peut-être pas, lui insufflait cette insupportable voix. « Ervin tu m’écoutes ? » Il continua sa route, distrait par ses propres pensées, ses pas le menèrent en direction de l’orphelinat alors qu’il entendit Fen le suivre. Elle n’allait pas être contente, bien au contraire, il savait déjà à quoi s’entendre : la colère, l’incompréhension, le refus. Sa mission à lui n’était pas de glaner, Scythe bonaparte l’en savait capable, sa réelle mission reposait en Fen. A contrôler son amie, à ne pas se laisser manipuler par sa conscience et sa culpabilité. Il se devait d’être stoïque, d’être digne du Nouvel Ordre et de la convaincre de les rejoindre, une bonne fois pour toute. « Alors c'est ici... » Elle ne termina pas sa phrase alors qu’il daigna enfin jeter un regard en sa direction. « Ervin, tu n’y penses quand même pas sérieusement ? » Il se racla la gorge, ne baissant pas les yeux, il tint son regard, effaça toute interrogation de ses iris. « L’ordre a été envoyé par le conclave, doutes-tu aussi d’eux comme tu doutes de Bonaparte ? S’ils ont accepté notre mission, alors c’est que c’est nécessaire et qu’un quota doit être rempli. » Il marqua une pause. « Fen, à jouer ce petit jeu de doutes tu vas sérieusement commencer à élever les soupçons, fait ce qu’on te dit et tout ira bien. » au fond, il se détestait de lui raconter ce tas de mensonges, mais ne montra rien, juste son visage plus statuesque que jamais.